Une scène qui se produit souvent quand nous rendons visite aux personnes incarcérées, à la prison, est celle au cours de laquelle les gardiens trient le courrier et appellent par le nom et le prénom les détenus qui ont reçu une lettre. C’est touchant de les voir arriver et attendre: ils espèrent que quelqu’un leur a écrit. L’un reçoit beaucoup de lettres, un autre peu, un troisième aucune. Imaginez la souffrance de cette personne à laquelle personne n’écrit. Dans chaque liturgie nous pouvons écouter ce que Dieu “nous a écrit”; à travers Sa parole, que l’Eglise nous offre, c’est Lui qui parle à chacun de nous, c’est Lui qui ne nous abandonne pas et vient illuminer notre solitude. Dans la première lecture, le prophète Samuel est convaincu que l’aîné, grand, fort et robuste, bien pourvu humainement, est celui que Dieu avait choisi. Et au contraire, voici le grand enseignement: l’homme voit les apparences, Dieu agit autrement, Il va au coeur, aux secrets de l’âme. Cette vérité guérit beaucoup de blessures qui naissent de cette vilaine maladie du vouloir paraître, de ce “...qu’en disent les gens, que pensent-ils de moi?”. Beaucoup de fois, nous sommes conditionnés dans nos choix par l’apparence qui est ce que l’homme voit et non par ce que nous vivons de l’intérieur, la vérité qui vient de Dieu. La Parole de Dieu dit: “Malheur à celui qui se confie en l’homme”.Ce chemin de Carême doit nous servir pour entrer, pas à pas, dans le mystère d’un Dieu mort sur la croix par amour, pour nous libérer de beaucoup de peurs. N’ayez pas peur du jugement des autres, écoutez la voix du coeur! Dieu vient là et c’est là qu’Il nous attend, même si c’est vrai que ce n’est pas facile, que c’est difficile de rejoindre notre coeur et que nous nous imaginons celui des autres! Celui de l’épouse ou du mari...Commençons par rentrer en nous, demandons à Dieu de nous aider à nous enlever les masques de l’apparence et à arriver aux sources de la vie et de l’être, et c’est là que nous Le rencontrerons. A la fin de la lecture, la Parole de Dieu dit: “L’Esprit du Seigneur s’empara de David à partir de ce jour-là”. David était un enfant, bien qu’il sache ce qui était arrivé: ce geste de Dieu à son égard, il le comprendra après, au cours des années et aussi en le comprenant mal parfois, en se comportant comme si ce que Dieu avait fait pour Lui était une affaire personnelle dont il ne devait rendre compte à personne. Malgré cela, ce jour-là l’esprit “fait irruption” dans le coeur de David et cela ne vaut pas seulement pour David, mais aussi pour nous. Si Dieu nous trouve “beaux” comme David était “beau” ce jour-là, “l’Esprit fait irruption” en nous aussi. Alors nous sommes différents, tout en étant toujours nous mêmes, parce que la lumière de l’Esprit arrive en nous. Alors nous embrassons le vérité de notre histoire, nous trouvons cette paix que le monde ne connaît pas, nous trouvons notre vocation, notre mission qui est toujours un service. Servir la vie de nos frères, soeurs, de ceux qui nous sont chers, servir la vie des pauvres: là est le règne, là se trouve la joie de la vie, pouvoir sentir que Dieu règne dans notre coeur. C’est beau quand nous sentons qu’avec la présence de l’Esprit, notre vie est “dominée” par l’amour, est guidée par la paix. Ce sont les “fruits” dont nous parle saint Paul dans la seconde Lecture: fruits de bonté, de justice, de vérité. “Ne participez pas aux oeuvres des ténèbres”: combien de fois entendons-nous dire de vilaines choses, par la télévision, les voisins, les parents...” ils maudissent”, c’est-à-dire disent du mal, et comme dit le prophète Isaïe, “le juste se bouche les oreilles pour ne pas entendre le mal”. Parce que d’ailleurs nous participons à ce mal, rien qu’en l’écoutant tout simplement. Mère Elvira nous a enseigné que, quand quelqu’un vient décharger “l’ordure” de son coeur, dire le mal qu’il vit face aux autres, nous devons avoir le courage d’arrêter cette conversation et dire: “Ecoute, pourquoi me le dis-tu à moi? Dis le à lui ou elle, si vraiment tu crois que c’est vrai et juste ce que tu es en train de me dire”. Quand quelqu’un dit du mal de quelqu’un d’autre et que nous écoutons, c’est participer aux ténèbres, parce que dans ces paroles manque l’amour, même si c’est quelque chose de juste parce que ces choses se sont vraiment passées, mais c’est une vérité sans espérance, un jugement de condamnation, sans espace pour Dieu et pour l’autre. Paul nous dit que le résultat de ce mal est la stérilité: “Les oeuvres des ténèbres ne donnent pas de fruits”, sont arides, tristes. Elles sont mauvaises et le mal fait mal. Paul a ce courage: “Démasquez les plutôt”. Nous avons besoin de grandir là aussi: quand nous voyons quelque chose qui ne va pas, même dans notre vie, démasquons-la ouvertement. Dans la confession, allons demander la Miséricorde du Seigneur: en la dénonçant, elle devient lumière. Il nous faut beaucoup de foi pour faire ce pas, parce que les ténèbres nous scandalisent, mais elles ne scandalisent pas Jésus! Lui est la lumière du monde, Il n’a pas peur de nos ténèbres: elles nous font peur, mais à partir du moment où nous les Lui remettons, nous en sommes libérés. Que c’est beau d’expérimenter ce que veut dire être libérés du passé, libérés du péché! Le mal existe, il y en aura toujours; je peux tomber mille fois, mais si je les démasque à la Miséricorde, ces ténèbres disparaissent. Pensons à cet homme aveugle de naissance dont nous parle l’Evangile. Jésus le fixa, lut au fond de son coeur son désir de vivre, de guérir, d’être libéré d’un péché qu’il n’avait peut-être même pas commis, mais que les apôtres soupçonnaient: “Qui a péché, lui ou ses parents, pour être ainsi?”. Nous raisonnons encore ainsi maintenant: “Il m’est arrivé un malheur...qu’ai-je fait de mal, pourquoi Dieu me punit-il?”. Jésus répond: “Ni lui ni ses parents, mais c’est pour qu’en lui soit manifestée l’action de Dieu”. C’est notre communauté: qui est plus détérioré, brisé par le mal qu’un garçon, une fille tombés dans l’abîme de la drogue? Pourtant c’est précisément là, au fond des ténèbres les plus épaisses dans lesquelles vit le monde aujourd’hui, que Dieu se révèle dans sa Miséricorde, en nous ressuscitant. Le miracle est possible, Dieu peut le faire, mais il dépend toujours de la foi. Jésus dit à “l’aveugle né” d’aller se laver dans la piscine de Siloé; lui pouvait aussi ne pas y aller, pourtant “...il alla, se lava et quand il revint, il voyait”, ensuite Jésus le rencontre et lui demande: “Crois-tu?”; lui se prosterne et répond: “Je crois, Seigneur!”. Voici le moment le plus important! Il ne suffit pas de guérir pour être sauvés, ce qui compte, c’est la foi: c’est la foi qui sauve, et c’est la foi qui nous manque. Combien de fois sommes-nous tristes, déçus, en colère,parce que nous sommes pauvres dans la foi, et au contraire, en retrouvant cet amour qui nous guérit, qui nous sauve, qui ne nous juge pas, là se rallume aussi l’espérance. La foi est l’unique route qui sauve toute notre vie.
|